Les cinq tentations de La Fontaine

Les Cinq tentations de La Fontaine, préfacé par ROBICHEZ Jacques, Paris, Livre de poche, 1995 (1ère édition : 1938).

« Il n’y a de grands auteurs que les divinateurs »

Cette phrase s’applique au moins autant à Giraudoux qu’à La Fontaine, dont il se rêvait d’ailleurs le descendant... Certes, avec ces cinq conférences prononcées dans les premières semaines de 1936, il n’a pas fait œuvre d’érudition. Même, cette histoire d’un La Fontaine triomphant de cinq tentations (ou plutôt les esquivant, guidé par trois anges gardiens, « la distraction, le sommeil, l’inconséquence ») pour atteindre au chef-d’œuvre le plus inattendu, ressemble beaucoup à un roman. Mais dans ce beau mensonge transparaît la vérité du poète. Les paysages de la Champagne n’ont pas enchanté la jeunesse de La Fontaine, qui n’a rencontré les animaux que dans les livres, et à Vaux-le-Vicomte ; les Fables ne sont pas des apologues, et leur sens ne réside pas dans leurs moralités : ce sont des contes (seul genre où pouvait réussir La Fontaine, comme le savait déjà Madame de Sévigné), dont l’auteur s’est surpris à aimer les personnages, ces animaux auxquels il demandait de « rabattre sur lui la vérité du monde » ; celle-ci est d’une cruauté à peine soutenable, mais la langue des Fables, c’est-à-dire la langue de la Fable, la langue même des dieux, en fournit la clef. La critique la plus érudite nous en apprend-elle beaucoup plus sur La Fontaine ? Elle a même confirmé les formules divinatoires de Giraudoux lecteur de Nerval...