l’Apollon de Bellac

L’Apollon de Bellac (1942)

« Supposez que c’est le dieu de la beauté même qui vous ait visitée ce matin. Peut-être d’ailleurs est-ce vrai. C’est ce qui vous a vernie et vous émeut et vous oppresse. Et que soudain il se dévoile. Et que c’est moi. Et que je vous apparaisse dans ma vérité et mon soleil. Regardez-moi, Agnès. Regardez l’Apollon de Bellac.
– Je ferme les yeux pour vous voir, n’est-ce pas ? » (scène IX)

La pièce a été créée par Louis Jouvet en 1942 à Rio de Janeiro sous le titre l’Apollon de Marsac, avant de prendre le titre actuel.
Visitation, école de la jeune femme Agnès qui apprend l’unique recette pour trouver du travail et un mari riche : dire aux hommes qu’ils sont beaux comme l’Apollon de Bellac. Cette comédie qui montre la défaite des gens hargneux et mesquins au profit de la jeune Agnès n’est cependant pas sans soulever quelques questions de fond. D’abord celle de la beauté : dite, crue, souhaitée, vue les yeux fermés, incarnée par cet étrange Monsieur de Bellac qui pourrait bien, mais ce n’est pas sûr, être Apollon lui-même. Mais voici qu’une fois de plus un dieu vient visiter un mortel : Jupiter avait honoré Alcmène de sa présence en 1929 dans Amphitryon 38, Iris apportait des messages aux Troyens en 1935 (La Guerre de Troie n’aura pas lieu), sans oublier les combats avec l’ange que devaient livrer Judith (Judith, date) et Lia (Sodome et Gomorrhe, date).
Sous des formes très diverses et avec des issues variées, la même confrontation se joue : celle de l’humain et du divin. Malgré la fin heureuse et la légèreté de l’Apollon de Bellac, le lecteur/spectateur est sensible à l’ambiguïté, au doute, au léger malaise final. Giraudoux pourrait bien être à sa façon tout aussi « inquiéteur » que Gide.