Juliette au pays des hommes

Juliette au pays des hommes (1924)

« Vérificatrice de l’irréel, de l’inimaginable, du non-révolu, Juliette s’étonnait de retrouver les êtres qu’un de ses désirs d’enfant avait attirés un quart d’heure à l’existence emportés désormais par l’âge, soumis au contrôle des concierges, et marqués, pour qu’elle n’eût pas de doute sur leur qualité humaine, d’une dent d’or ou d’un coryza. »

Reprenant, à la troisième personne, le parcours de Suzanne et le Pacifique préciser année), ce récit s’inspire avec humour du schéma du roman de formation pour apposer un certificat de conformité toute relative de la réalité à l’absolu du rêve enfantin : Juliette, en provinciale intuitive et intrépide, s’autorise quelques vacances avant son mariage pour expérimenter « l’inconnu ». Cette fonction de vérification s’exercera plutôt aux dépens des hommes rencontrés : les savants sont d’émouvants maniaques, Ratié est un Narcisse repoussant, l’archéologue Daudinat confond motivation érotique et quête du savoir, le spécialiste du monologue intérieur est un être « tout dégouttant de pensée-parole », tous éprouvent des difficultés à rétablir la circulation des échanges et du désir. Seul le narrateur en position d’écrivain assure, le temps de lire à Juliette sa « Prière sur la Tour Eiffel », le nouage adéquat entre pulsion et intellection, entre nature et culture. Toutes ces expériences vaudront comme prise en compte du principe de réalité et comme apprentissage (utile dans le dernier épisode avec le Russe Boris) de la sublimation à travers un régime minimal d’échanges. Le récit au féminin apparaît ici comme le mode d’expérimentation fantaisiste d’une série d’ajustements entre réel et imaginaire qui situe ce livre dans la filiation d’Alice au pays des merveilles, non sans qu’apparaissent quelques points de rencontre avec la Juliette du divin Marquis.