Elpénor

Elpénor (1926)

« L’avenir, ô vieilles filles, est à la flûte, et je donne rendez-vous dans trois mille ans à Apollon. Car la lyre est un instrument divin, c’est-à-dire mécanique, stérile, commandé par la technique, tandis que la flûte, ô Muses, est le souffle même de l’homme, créature indomptable et qui emmerde les dieux ! » (« Nouvelles morts d’Elpénor »)

On pourrait l’appeler « Elpénor ou l’envers du décor ». Dans quatre textes juxtaposés dont l’écriture s’étale sur presque vingt ans (« Le cyclope », 1908 ; « Les sirènes », 1912 ; « Morts d’Elpénor », 1919 ; « Nouvelles morts d’Elpénor », 1926), nous voyons peu à peu la figure d’Ulysse, le héros de l’Odyssée, s’effacer au profit de celle de l’obscur Elpénor dont la présence dans tout le poème d’Homère n’excède pas 51 vers (et encore s’agit-il pour l’essentiel des rituels liés à sa mort).
Elpénor, c’est une vision burlesque de l’épopée, c’est « le Charlot de " l’Odyssée" ». Plus stupide que le moins fin des compagnons d’Ulysse, il est en permanence un danger pour ses compagnons. Mais Ulysse ne parvient pas à s’en débarrasser ; au contraire, c’est lui qui est exclu de sa propre histoire par ce minable malmené par la vie, par ce « cerveau de crétin » dont « un pigeon n’eût pu tirer parti ».
Ce livre plein de souvenirs scolaires et d’allusions savantes à la versification grecque, est une contre-épopée dont l’antihéros nous conduit à nous interroger sur la validité et la légitimité des légendes épiques les mieux attestées. Elpénor affirmant avec une grande force de conviction la liberté humaine malgré le sadisme des dieux, nous sortons du canular pour entrevoir une autre dimension à cette œuvre méconnue.

Textes qui composent Elpénor : Le cyclope - Les sirènes - Morts d'Elpénor - Nouvelles morts d'Elpénor