Armistice à Bordeaux

Armistice à Bordeaux

« Cet aveu de fautes qu’on nous réclame je ne sais pourquoi, de toutes parts, ce désaveu de notre vie, comme moi, comme tous nos égaux, tu le refuses. C’est maintenant au contraire que je vois lumineusement que moi je n’ai pas péché, que je ne suis pour rien dans ce désastre ».

Ce texte de 15 pages, daté du 21 juin 1940, sans doute rédigé plus tard, donne une idée précise de l’amertume, voire de la rage ressentie par Giraudoux au moment de la signature de l’armistice – même si l’écrivain précise qu’il aurait été insensé de poursuivre le combat. Il prend en grande partie la forme d’un legs adressé à un « jeune voisin », au moment de faire le bilan de la France. Giraudoux y réplique point par point aux déclarations des 17 et 19 juin dans lesquelles Pétain faisait « don de [s]a personne » à la France et fustigeait « l’esprit de jouissance » : il refuse de « battre sa coulpe ». Il constate que la patrie charnelle s’est évanouie, mais il interprète la débâcle, selon le modèle de la fête des Fédérations chez Michelet, comme une volonté (désespérée, en l’occurrence) de reconstituer la patrie spirituelle. Un énigmatique espoir se fait jour dans la dernière phrase, quand le regard se tourne « vers la lumière du Nord » (l’Angleterre ?). On conçoit que Giraudoux n’ait pas envisagé de publier ce texte sous l’Occupation.