Amphitryon 38

Amphitryon 38, préfacé par ALMEIDA Pierre d’, Paris, Livre de poche, 1994 (1ère édition : 1929).

« Je ne crains pas la mort. C’est l’enjeu de la vie. Puisque ton Jupiter, à tort ou à raison, a créé la mort sur la terre, je me solidarise avec mon astre. Je sens trop mes fibres continuer celles des autres hommes, des animaux, même des plantes, pour ne pas suivre leur sort. Ne me parle pas de ne pas mourir tant qu’il n’y aura pas un légume immortel. » (II, sc.2)

Plaute glorifiait le héros Hercule en racontant son origine divine. Il faisait une comédie facile d’un événement sacré : la descente du dieu sur terre pour engendrer le plus grand des héros. Molière lui emboîtait le pas et l’image de Sosie battu par lui-même ou celle d’Amphitryon apprenant par sa femme les exploits nouveaux dont il s’apprête à l’informer, ont laissé des traces jusque dans la langue.
Giraudoux a bien sûr conservé ce comique de situation, mais en faisant pour une fois d’Alcmène le personnage principal, malgré le titre de la pièce. Et surtout en faisant d’elle l’adversaire acharnée et victorieuse de la volonté divine. Car si elle a passé une nuit avec Jupiter et doit engendrer Hercule, Jupiter ne pourra pas passer une deuxième nuit avec elle et surtout ne pourra pas lui apprendre la vérité qu’elle refuse de connaître.
Triomphe donc de l’humanité moderne, qui désire rester « entre soi » face à ces dieux indélicats qui s’immiscent dans son intimité, face à ces dieux étrangement limités et qui connaissent si mal leurs créatures. Reprenant la matière antique, Giraudoux déplace la perspective dans le sens d’un approfondissement de la réflexion sur les relations problématiques entre hommes et dieux.