Adorable Clio, Paris, Grasset, Les Cahiers rouges, 2005 (1ère édition : 1920)
"Ton doux pays était pour moi, depuis deux ans, le premier où il n'y eût pas la guerre. Il me fallut longtemps pour retrouver mes yeux de paix, pour ne pas, quand riait une vieille femme, quand venait un passant radieux, sentir en moi la joie qu'un fils fût en permission, qu'un blessé fût sauvé" (La journée portugaise). L’expérience la plus cruelle des combats, Giraudoux l’a vécue en 1915 aux Dardanelles, où il fut de nouveau blessé, alors qu’il avait été affecté au corps expéditionnaire d’Orient. Filtrée, épurée, transposée en un véritable poème en prose, cette expérience est rapportée dans Adorable Clio ; ce recueil rassemble, après la démobilisation, plusieurs tableaux de guerre, qui obéissent toujours au même principe de contournement de l’horreur que le premier volume (préciser). La puissance du souvenir infuse toutefois l’écriture d’un pathétique intense, euphémisé, qui transparaît en particulier dans les stèles dressées aux disparus : ainsi, il faut lire l’admirable « Mort de Ségaux, mort de Drigeard ». En tête de recueil, « Nuit à Châteauroux » constitue le chapitre le plus long et constitue une méditation filée sous la forme d’un échange de lettres, dans un hôpital entre deux soldats : Jean, le narrateur et Pavel. Il se clôt sur ces mots : « Mon enfance, adieu ! ». Liste des textes : Nuit à Châteauroux - Entrée à Saverne- Mort de Ségaux, mort de Drigeard - Repos au lac Asquam - La journée portugaise - Dardanelles - Adieu à la guerre
Le dernier chapitre s’intitule « Adieu à la guerre » et rend compte des sentiments ambivalents que cette expérience a laissés dans la mémoire des hommes ; le recueil se ferme donc sur l’image d’un « vainqueur, le dimanche, à midi », désorienté, en quête d’identité et de repères, déchiré entre un présent ensoleillé à vivre, et une mémoire indélébile.
Lectures pour une ombre, Paris, Grasset, Les Cahiers rouges, 2011 (1ère édition : 1917)
« Pardonne-moi, ô guerre, de t’avoir, toutes les fois où je l’ai pu, caressée ». Jean Giraudoux, comme beaucoup d’écrivains de sa génération, a participé à la Grande Guerre. Incorporé dès août 1914, il vécut d’abord la campagne d’Alsace, puis la première Bataille de la Marne où il fut blessé. De cette première expérience de la guerre résulte Lectures pour une ombre, dédié à « A. Dufresnois, disparu ». Ce volume rédigé à partir de carnets de route, est organisé en trois volets : « Le Retour d’Alsace », « Périple », et enfin, le plus émouvant sans doute, « Les Cinq Soirs et les cinq réveils de la Marne ». Liste des textes : Le retour d'Alsace - Périple - Les Cinq Soirs et les cinq réveils de la Marne
D’emblée, s’affirme la volonté de se démarquer d’une écriture réaliste. Giraudoux ne sera pas Barbusse. Il ne sera pas non plus de ceux qui se livrent à une esthétisation des combats. Les récits de Giraudoux décollent librement du réel, et semblent se donner pour but de ne raconter pendant la guerre, ce qui, justement n’est pas la guerre : scènes de paix, paysages, moments de camaraderie, anecdotes fugitives et drôles de la vie de régiment : mais ces scènes sont ponctuées de brèves images d’horreur, qui ne cessent de rappeler l’arrière-plan tragique sur lequel s’édifie cette écriture. Dès lors, ces œuvres se présentent davantage comme des « anti-récits de guerre », ou une forme de résistance à la guerre, selon les modalités qu’envisageait alors Aragon : « Négliger la guerre était de notre part un système, faux sans doute, mais dirigé contre la guerre. Nous pensions que parler de la guerre, fût-ce pour la maudire, c’était encore lui faire de la réclame. Notre silence nous apparaissait un moyen de rayer la guerre, de l’enrayer ».
Amica America, Œuvres littéraires diverses, Paris, Grasset, 1958 (1ère édition : 1918)
"Mères imprudentes qui envoyez vos fils à la guerre !" Amica America est écrit pendant le séjour que Giraudoux effectua aux États-Unis en 1917 : il s’agit de sept variations inspirées par l’Amérique, mais qui ne sont pourtant pas amnésiques à la tragédie qui se poursuit en Europe. Sur un mode discrètement pathétique s’inscrit la mort des amis, des poètes : celle de Seeger, par exemple qui assombrit « Repos au Lac Asquam », celle de Rogers. Liste des textes : Prologue - Discours dans le Massachusetts- Déjà l'on voit... - Repos au lac Asquam - Pour Groton et Middlesex - Film - Epilogue
Carnet des Dardanelles, Introduction et notes de Jacques Body; Le Bélier, 1969
« Colomb blessé. Je n’ai rien. Coulomb blessé mortellement : un presque homonyme est votre rançon pour la mort. Un Giraudoux ou Guiraudou doit mourir en ce moment ». Écrit entre mars 1915 et janvier 1916, Carnet des Dardanelles se présente sous la forme d’un journal que Giraudoux, en tant que Sergent, puis Sous-Lieutenant du 176ème R.I, a tenu lors du passage des Dardanelles. L’expédition des forces alliées partait en renfort auprès des Russes contre la Turquie. Cette œuvre présente des facettes diverses, des tonalités et enjeux littéraires particulièrement significatifs de l’œuvre future de Jean Giraudoux. Dans ce carnet de guerre, se juxtaposent l’anecdotique et le tragique de la guerre, entre vie quotidienne des soldats et leur brutale confrontation avec la mort, que rythment et font s’entrechoquer les notations brèves, les ellipses… Grâce à un langage qui maintient en tension mesure et démesure, lieux mythiques et espaces de mort, l’écrivain déjoue les pièges de l’écriture de guerre et révèle par ce regard pudique, inattendu, et souvent poétique, l’absurdité de la guerre. Carnet des Dardanelles représente la genèse du récit Dardanelles, publié dans Adorable Clio.